Chose promise, chose due! Voici la traduction du Manifeste de Slow-food, publié en première page du Gambero Rosso, le supplément du quotidien Il Manifesto, le 3 novembre 1997.
Ce siècle est né, sur la base d’une interprétation erronée de la civilisation industrielle, sous le signe du dynamisme et de l’accélération : par mimétisme, l’homme invente la machine qui est censée le soulager de la fatigue mais, en même temps, il adopte et élève la machine au rang de modèle de vie idéal et comportemental. Une sorte d’autophagie s’en est suivie, réduisant l’homo sapiens à une espèce en voie de disparition, dans une monstrueuse ingestion et digestion de soi.
C’est ainsi qu’à l’aube du siècle et par la suite, des manifestes rédigés dans un style synthétique et “rapide”, sous la bannière de la vitesse en tant qu’idéologie dominante, ont été déclamés et criés. La vie rapide comme qualité proposée et étendue à toutes les formes et à toutes les attitudes, systématiquement, presque un pari de restructuration culturelle et génétique de l’homme-animal. Un style adapté au phénomène, publicitaire et émotionnel, des slogans intimidants plutôt que des considérations critiques rationnelles. En cette fin de siècle, ce n’est pas comme si les choses avaient beaucoup changé ; au contraire, la fast-life s’est enfermée dans le fast-food.
Deux siècles après Jenner, les systèmes de vaccination contre toutes les maladies endémiques et épidémiques se sont imposés comme les seuls à donner des garanties. Pourquoi ne pas suivre, alors, et se laisser aller à la leçon de méthode de la science ? Il faut prévenir le virus rapide avec tous ses effets secondaires. Contre la vie dynamique, nous prônons donc la vie confortable. Contre ceux, et ils sont les plus nombreux, qui confondent efficacité et frénésie, nous proposons le vaccin d’une part suffisante de plaisirs sensuels assurés, à pratiquer dans une jouissance lente et prolongée. Dès aujourd’hui, les fast-foods sont évités et remplacés par des slow-foods, c’est-à-dire des centres de plaisir. En d’autres termes, rendre la table au goût, au plaisir de la gourmandise.
C’est le pari proposé pour une reprise en main progressive de l’homme, en tant qu’individu et espèce, dans la reconquête environnementale attendue, pour rendre la vie à nouveau vivable, en commençant par les désirs élémentaires. Cela signifie aussi la restauration d’une mastication justement lente, la réacquisition des normes diététiques injustement obsolètes de Salerne, dans la récupération du temps dans sa fonction optimale d’organisation du plaisir (et non de production intensive, comme le voudraient les maîtres des machines et les idéologues du rapide). D’autre part, les efficaces du rythme rapide sont pour la plupart stupides et tristes : il suffit de les regarder.
Si donc, abêtis par le style de communication dominant, les slogans devaient être revendiqués à tout prix, ils ne manqueraient certainement pas : ‘à table, on ne vieillit pas’, par exemple, sûr, tranquille, prouvé par des siècles de banal bon sens.
Ou encore : slow-food c’est la gaieté, fast-food c’est l’hystérie. Oui, la slow-food, c’est la gaieté !
D’autre part, nous savons depuis des millénaires que le rapide Achille ne rattrapera jamais la tortue, qui sort victorieuse de la course. Avec une belle leçon non seulement mathématique mais morale.
Ici, nous sommes pour la tortue, ou plutôt pour l’escargot plus domestiqué, que nous avons choisi comme signe de ce projet. Car c’est sous le signe de l’escargot que l’on reconnaîtra les adeptes de la culture matérielle et ceux qui goûtent encore au plaisir de la lenteur. L’escargot lent.
Folco Portinari
Carlo Petrini
Stefano Bonilli
Valentino Parlato
Gerardo Chiaromonte
Dario Fo
Francesco Guccini
Gina Lagorio
Enrico Menduni
Antonio Porta
Hermete Realacci
Gianni Sassi
Sergio Staino