Appelé Sui lieviti dans le cahier des charges Docg, sur lies en français, Frizzante con rifermentazione in bottiglia dans le cahier des charges Doc, traditionnellement appelé Col Fondo ou Col fondo Agricolo par les viticulteurs, littéralement ‘avec le fond’, ce vin pétillant est élaboré selon le principe de re-fermentation en bouteille de la méthode ancestrale.
La différence avec les Prosecco Doc et Docg est surprenante, et si vous appréciez un vin pour son caractère épuré en bouche, le Colfondo ne risque pas de vous décevoir.
Col Fondo, le Prosecco Méthode Ancestrale
La macération se fait à température ambiante : les baies éraflées et pressées sont laissées au contact du moût pour en extraire la couleur et les levures indigènes.
Le jus est soutiré, puis la première fermentation commence en cuve thermo-conditionnée, afin de contrôler la conversion du sucre en alcool. Une quantité de sucre doit être conservée pour assurer la reprise de la fermentation après la mise en bouteille.
Au printemps, la chaleur relance le processus spontané de fermentation alcoolique et une fois séparé des lies les plus grossières et des macromolécules, le vin est mis en bouteille sans dégorgement.
Le processus de vinification est long, un peu moins d’un an de la récolte au produit fini, plus long que les trois ou quatre mois que demande l’autoclave.
Le vin qui en résulte conservera une couleur trouble, typique de la méthode ancestrale : ce sont les levures non filtrées qui se déposent au fond de la bouteille et donnent son nom au vin.
Un Prosecco épuré
Le nez conserve cette empreinte délicate typique du bagage aromatique du Prosecco Docg auquel s’ajoutent des senteurs marquées de pain au levain, de fermentation, de sous-bois.
En bouche, la sensation est délestée de toute fioriture doucereuse, qui a longtemps été la signature gustative du Prosecco, et de quelques degrés d’alcool. La structure s’en trouve épurée, laissant s’exprimer librement acidité, sapidité et parfums dont l’intensité est directement corrélée à la durée du séjour sur lies.
Il peut être servi trouble en remettant les levures en suspension, ou décanté, en ayant pris soin de faire reposer la bouteille verticalement.
Ce côté obscur le rend décidément moins immédiat et inclusif que le Prosecco méthode charmat. Et demande sans doute un peu de préparation et de compréhension.
Comment le reconnaitre: Col Fondo sur l’étiquette.
Selon les producteurs de Col Fondo, cette méthode est utilisée depuis plus de 150 ans dans la région. Mais s’agissant d’un vin de tradition paysanne, il y a cependant peu d’archives et l’origine précise est incertaine. Son nom également est issu de la tradition agricole.
Sur l’étiquette, Colfondo n’apparait pas obligatoirement, son usage n’étant pas officiellement gouverné par le cahier des charges des appellations qui ont choisi de le mentionner sous des termes plus techniques:
L‘appellation Prosecco Superiore DOCG le reconnait sous la mention Sui Lieviti, sur lies ou Frizzante con rifermentazione in bottiglia, pétillant avec re-fermentation en bouteille.
Le cahier des charges du Prosecco Doc, pour lequel la mention Sui lieviti n’est pas prévue, adopte sur l’étiquette la mention plus descriptive de Frizzante con rifermentazione in bottiglia à laquelle peut être ajouté le terme Non filtrato, non filtré sur l’étiquette ou la contre-étiquette.
Les vignerons peuvent alors décider de baptiser leur vin Col Fondo, pour faire apparaitre le nom sur l’étiquette ou tout simplement de mentionner le terme Col Fondo dans la partie descriptive de la contre-étiquette. Beaucoup choisissent de ne pas le mentionner sur la bouteille tout en conservant le nom ou sur leur brochure ou sur leur site, maintenant ainsi un lien non officiel avec la tradition populaire.
En dehors des appellations, les règles sont évidemment beaucoup moins contraignantes et les vignerons sont libres de mentionner Col Fondo ou Col fondo Agricolo sur l’étiquette, d’autant plus que beaucoup préfèrent s’affranchir de la tutelle des DOC/DOCG et produire un vin frizzante non filtré méthode ancestrale ayant séjourné sur lies sans forcément répondre aux exigences de ces dernières.
Mais de façon générale, moins en moins de producteurs choisissent de mentionner le terme sur l’étiquette. Le dépôt de la marque Colfondo -écrit en un seul mot- par deux maisons productrices serait à l’origine de l’abandon progressif de Col Fondo? Bien qu’aucune action légale n’ait été entreprise depuis, inutile de dire que la question est devenue épineuse d’un point de vue législatif et les producteurs sont de plus en plus réticents à mentionner explicitement Colfondo ou Col Fondo sur leurs bouteilles.
En l’absence d’un nom explicite, pour le repérer chez votre caviste ou en ligne, les indications techniques et la provenance devraient pour aider.
Une tradition paysanne sur le devant de la scène
Il est facile de comprendre pourquoi l‘introduction de la méthode de refermentation en autoclave a signé l’abandon de cette tradition paysanne.
La méthode Martinotti/Charmat offre le double avantage d’exalter les arômes délicats et la fraîcheur des cépages aromatiques et semi-aromatiques comme le glera tout en permettant une production supérieure en termes de quantité et de rentabilité. D’un point de vue purement économique, l’association de l’autoclave et de la promotion de la monoculture du cépage glera, a signé le début de l’ascension du Prosecco que l’on connait -une industrie vinicole au succès national et international- et l’abandon de la méthode artisanale.
Le changement a été radical, tant au niveau social, qu’environnemental et économique : la culture jusqu’alors paysanne subit une transformation radicale pour devenir une véritable entreprise agricole, modifiant le paysage et le statut des producteurs.
Produire le Col fondo aujourd’hui est une déclaration. Si certains grands noms se prêtent à l’exercice profitant de l’engouement pour les vins naturels, c’est avant tout le territoire de producteurs convaincus. Ils sont jeunes, formés et informés, férus de biodiversité, pour redonner vie à un territoire gorgé à outrance de substances aujourd’hui bannies des cahiers des charges mais aussi pour relancer les cépages oubliés -Perrera, Boschiera, Bianchetta trevigiana- mis de côté au profit de monoculture totalisante dédiée au Glera.
La méthode permet aussi aux producteurs n’ayant pas les moyens d’investir dans un système d’autoclave onéreux, de proposer un prosecco frizzante quand l’année et la production s’y prête.
L’engouement pour les vins naturels et pour les vins méthode ancestrale a tout naturellement redonné au Col Fondo une place sur la scène des bulles italiennes, marquant ainsi son retour -très apprécié- sur les étalages des enoteche italiane.
La popularité croissante du Prosecco méthode ancestrale a aussi eu pour effet d’élargir le sens du terme Col fondo au point d’inclure des vins méthode ancestrale d’autre provenance, devenant de ce fait à l’instar du terme Prosecco un terme générique : en recherchant un Col fondo dans la capitale italienne, deux cavistes m’ont proposé des méthodes ancestrales provenant d’autres régions.
Le Col fondo, comme tous les vins issus de la méthode ancestrale, est un vin qui ne pardonne aucune erreur et c’est peut-être ce qui le rend fascinant. Tout se joue en amont, au vignoble, avant même la vinification qui dans le cas du Prosecco Col fondo offre très peu de marge de manœuvre et par conséquent relève immanquablement la moindre fausse note.