Ep.17 | Sardegna Coast to Coast 2, Mamoiada

Bienvenue en Sardaigne, prêts pour une nouvelle étape de notre série Sardegna Coast to coast ?

Je vous propose un petit retour en arrière au mois d’août.

Me voilà débarquée à Olbia dans le nord-est de la Sardaigne pour deux semaines de vacances avec ma famille. D’ailleurs, si vous projetez de venir en voiture en Sardaigne via l’Italie, vous pouvez embarquer à Gênes en Ligure ou à Civitavecchia près de Rome, destination vous l’aurez compris, Olbia.

Toute, toute petite parenthèse, Civitavecchia, rappelez-vous, c’est la ville de Enrica où nous avions fait étape lors du premier épisode de la série estivale de Vinoterso ‘bons plans, très bons vins’, épisode numéro 12. Enrica nous avait d’ailleurs parlé d’un vermentino qu’elle affectionne tout particulièrement, produit au nord de Civitavecchia, à Tarquinia. Le Nethun, 100% vermentino, de Marco Muscari Tommajoli dont vous pouvez retrouver la dégustation sur le site.

 C’est un autre Vermentino, pas du Latium bien évidemment mais sarde que je vous avais proposé la semaine dernière pour illustrer la première étape de mon voyage où j’avais profité de l’accueil vraiment sympathique de l’équipe et du cadre dépaysant de Masone Mannu, à 13 km au sud-ouest d’Olbia. le Vermentino di Gallura DOCG Petrizza 2021, dégusté au milieu des vignobles jeunes et moins jeunes, des chênes lièges et des oliviers. A défaut de pouvoir vous le faire gouter en directe, j’ai laissé quelques photos sur l’instagram de Vinoterso. D’ailleurs j’en profite, je lance le mot, Vinoterso vient tout juste de planter sa petite graine dans la très vaste terre d’instagram

Pour info, si vous voyagez avec des mineurs ou des abstèmes, sachez que l’accompagnement servi chez Masone Mannu est un excellent argument pour les motiver à vous accompagner ! J’ai testé, en proposant à mes compagnons de voyage de se resourcer chez Masone Mannu après une longue traversée -c’est la version officielle- et l’opération a été gagnante, j’ai pu déguster longuement l’offre de Masone mannu, pendant que mes compagnons de voyage se délectaient de fromages et saucissons sardes !

 Revenons à notre périple, route vers le sud, direction la Barbagia.

En préparant mon voyage, j’avais fait la liste des producteurs que je voulais rencontrer et des vignobles que j’avais très envie de visiter. S’agissant de deux semaines de vacances en famille avec repos et divertissement au programme, la liste était par conséquent réduite au minimum : mon plan de route prévoyait de faire étape en Gallura et dans le Sulcis où je prévoyais de passer le plus de temps et deux visites, une à Oristano, et l’autre dans le sud-est près de Cagliari. La Barbagia n’était pas sur ma liste de priorité et je me demande d’ailleurs aujourd’hui pourquoi… Comme avant chaque départ, j’avais pris soin de demander à mes amis s’ils connaissaient quelques bonnes caves en Sardaigne pour ne pas rater de bonnes opportunités. Et plusieurs fois le village de Mamoiada a été cité et entre autres les caves de Sedilesu et de Vikevike. Mamoiada est un village de la Barbagia, réputé pour la qualité de ses sols et donc de ses vins. Je suivais d’ailleurs depuis un moment l’activité de l’association Mamoia située justement à Mamoiada, et j’apprécie énormément les vins de VikeVike. En dépliant une carte de la Sardaigne, je me suis rendue compte qu’une étape ne m’aurait pas obligée à faire un grand détour. En partant d’Olbia direction le sud-ouest, au lieu de faire étape à Oristano, nous pouvions facilement faire étape à Mamoiada en longeant la côte Est au lieu de la côte Ouest.

J’appelle Simone Sedilesu, le tout jeune œnologue et propriétaire de VikeVike qui m’annonce qu’il est en plein travaux. Il n’est donc malheureusement pas disponible le jour où je prévoyais de faire étape chez lui. Il ne peut me recevoir que deux jours après.

 Je revoie mon programme rapidement, mais le jour proposé par Simone ne tombe pas très bien… il aurait fallu que je renonce à un jour avec ma famille…

Donc je maintiens mon programme initial, traversée de la Sardaigne nord-est sud-ouest, paysages désertiques, beauté à couper le souffle entre montagnes de granit, forêt de chênes, champs d’oliviers bordés de murs en pierres sèches, nuraghi ces antiques structures coniques en pierre, troupeaux de chèvres, de moutons, … on traverse toute la Sardaigne en diagonale jusqu’à la Costa verde.

On passe deux jours magnifiques sur la côte sauvage, entre les dunes de Piscinas et les petites criques ourlées de maquis de la Costa Verde. et …

La tentation est trop forte, je décide quand même de remonter vers le nord pour rencontrer Simone. J’embarque deux de mes garçons, on refait 164km de route en sens inverse direction la Barbagia à Mamoiada.

En sachant que nous devions faire l’aller-retour dans la journée… pas de commentaire. Et, aucun regret !

Mamoiada est une zone à part de la barbagia, c’est une enclave hors du temps, avec une histoire aussi qui tient de l’extraordinaire si l’on considère l’histoire vinicole de la Sardaigne, puisqu’à Mamoiada on cultive la qualité et on met le vin en bouteille depuis plusieurs générations dans une région où la production de vrac en masse a longtemps été la norme, production destinée à compléter le bagage chromatique et alcoolique de vins italiens et français. Enfin Mamoiada est un village en constante expansion démographique dans une région où les villages peinent à survivre.

Pour vous donner une petite idée, 4 maisons vinicoles opéraient à Mamoiada en 2005, aujourd’hui elles sont 35, et sont pour la plupart le fruit du paris de tous jeunes producteurs.

Mamoiada est situé au centre de la Sardaigne più o meno, à 20 km au sud-ouest de Nuoro, à une altitude d’environ 650-700 mètres. Le sol est un mélange de granit décomposé, de sable et d’argile.

Et le climat, le sol, la position géographique, l’altitude, créent les conditions idéales pour une viticulture physiologiquement saine et biologique, les traitements sont donc rarement nécessaires. Pour les curieux, on parle d’un traitement en moyenne par an, j’ai bien dit en moyenne ! ce qui veut dire que certains pieds de vigne n’ont jamais besoin d’être traités… quoi d’autre ? la taille de qualité est une tradition familiale et séculaire. Autre tradition familiale, chaque génération a contribué à l’implantation de nouveaux vignobles ce qui se traduit par des vignobles plus récents qui ont moins de 20 ans, un vignoble existant composé de vignes en taille guyot ou cordon entre 20 et 50 ans d’âge. Les parcelles historiques les plus anciennes sont plantées de vignes en arbuste qui elles ont entre 50 et 100 ans !

Pour les cépages, le Cannonau ici est roi, c’est une terre de rouge avec une petite concession à un cépage blanc autochtone, la granazza.

Au chai, la tradition artisanale est encore la norme, -beaucoup de familles font d’ailleurs leur vin pour un usage strictement personnel- et le soin apporté lors de chaque phase de la vinification est en accord avec l’objectif de très haute qualité.

Je vais essayez de vous décrire au mieux l’impression de vivacité qui se dégage quand on arrive à Mamoiada.

Essayez d’imaginer le paysage du centre de la Sardaigne, un paysage désertique, ponctué de quelques villages calmes et silencieux sans particularité architecturale. Le tout sous la chaleur cuisante d’une matinée d’août.

Puis dans un contexte d’arbres et decollines, les premiers vignobles, des jeunes et des moins jeunes, élevés en arbuste, d’autres en guyot, sur un sol à l’aspect sablonneux.

Maintenant, imaginez l’arrivée dans un village où tout s’anime, les terrasses des bars sont combles, et les conversations vont bon train, les caves colorées annoncent visites et dégustations.

Arrivée avec une heure et demi d’avance sur mon rendez-vous avec Simone, j’ai le temps de faire le tour du village et d’emmener mes enfants manger quelque chose. Je passe devant le caviste de Corso Emmanuele 3, et là je comprends que mon effort est déjà récompensé. L’enoteca la Rossa à elle seule vaut le détour. Pour déjeuner, on m’indique très gentiment le restaurant Su Tapiu, que je découvre être le restaurant d’un des cousins de Simone et que dire, lasagnetta di pane carasau con melanzane e formaggio provenant directement de la production familiale, accompagnée de la granazza de la cantina Giuseppe Sedilesu -pour la généalogie, l’oncle de Simone- un repas d’une bonté et d’une qualité frisant la perfection, nous avons décidé à l’unanimité de revenir avec la famille au complet.  Et ceci une promesse, je vous raconte sans faute, ma deuxième visite à Mamoiada et notre deuxième repas chez Su Tapiu.

 J’espère ne pas vous avoir perdus en route… et vous excuserez j’en suis certaine cette petite concession à mon autre passion, la cuisine superlative.

Simone Sedilesu est un tout jeune œnologue, frère, fils, petit-fils, neveu, cousin de viticulteurs. Et il a décidé à 20 ans de lancer son propre projet. Ses frères et sœurs continuent de travailler avec leur père, Francesco, mais j’y reviendrai.

Simone gère trois vignobles qu’il loue et fort de son expérience au sein de sa famille et à l’étranger, il se fixe dès le début un objectif de qualité très élevé.

Le vin selon Simone se fait avant tout au vignoble, il faut donc soigner la vigne avec attention et respect, la taille tout particulièrement. Une fois au chai, il s’agit simplement de guider la naissance du vin et ne pas en altérer ni la qualité ni l’identité.

Simone me reçoit dans son chai, au cœur du village, un espace qu’il a pensé et mis en place lui-même avec l’aide de sa famille et où il aide à son tour de jeunes viticulteurs à faire leurs premiers pas.

La dégustation qui suit est le reflet de notre discussion, de la gentillesse de Simone et de son indiscutable passion pour la terre de Mamoiada et bien entendu pour le vin très bien fait ! On peut dire que son pari lancé il y a quelques années a été relevé avec brio.

Simone a partagé 3 de ses vins avec moi qu’il exporte en Europe et un quatrième qui n’est plus en production mais qui illustre bien l’évolution de VikeVike.

Vikevike, per la cronaca, ça veut dire littéralement, regarde, regarde !

Le premier, Barbagia Rosato IGT 2021 Vikevike, 100% cannonau, sous label biologique. Simone m’explique qu’il vinifie pour son rosé les grappes qui n’entreront pas dans la composition de ses deux rouges eux aussi 100% cannonau.

Un rosé d’une transparence limpide, d’un rose très tendre qui annonce les parfums délicats qui se développent dans le verre. Framboise, fraise des bois, pamplemousse rose, oseille, un nez très frais qui annonce bien la gorgée qui est tout aussi fraiche, d’une belle tension, très plaisante, et un volume d’alcool de 13,5 degrés bien mené.

Tout se fait en acier, il m’explique aussi que son rosé s’écarte de la tradition de Mamoiada, qui prévoit un rosé plus riche et sucré.

Nous passons aux deux rouges Cannonau di Sardegna doc, le Ghirada Fittiloghe et le Ghirada Gurgurruò tous les deux de 2019.

Pour info, Ghirada signifie littéralement cru.

Cannonau di Sardegna doc 2019 Ghirada Fittiloghe

Le plus jeune des deux vignobles soignés par Simone, âgé d’un peu plus de 15 ans, à 750m d’altitude. L’affinement se fait en cuve tronconique, pendant 1an et demi, suivi de deux ans en bouteille.

D’un rouge rubis transparent, le liquide dans le verre est un peu trop frais pour s’exprimer pleinement au moment de la dégustation, mais après quelques instants, les parfums se dégagent :  la cerise, aussi bien griotte, merise, cerise noire, la macchia mediterranea, le maquis méditerranéen, avec des accents balsamiques et minéraux. En bouche, il est frais, savoureux, élégant, à la finale longue. Il est sans fioriture ni exagération. Notevole.

 Cannonau di Sardegna doc 2019 Ghirada Gurgurruò Un vignoble de plus de 30 ans, élevé en arbustes, l’affinage se fait en tonneau de troisième ou quatrième passage. D’un rouge rubis intense, son nez est plus ample que le précédent, le fruit est plus riche, on y retrouve la cerise, la mûre, la framboise, le maquis méditerranéen toujours avec des accents balsamiques, les épices aussi, comme le poivre noir. En bouche il est frais, minérale, d’une matière plus dense que le précédent, élégant et lui aussi sans fioriture ni excès, d’une très belle tension et à la finale surprenante. Une exécution vraiment bien menée avec un objectif d’élégance emporté haut la main.

Les vins de Simone sont disponibles en ligne avec livraison en Europe. Les prix du Ghirada Fittiloghe 2019, autour de 24 euros pour la France et la Belgique et de 24 francs pour la Suisse. Le Ghirada Gurgurrò 2019 autour de 38 francs pour la suisse, et autour de 41 euros pour la France et la Belgique. Simone n’exporte pas encore au Canada.

 Le dernier vin proposé par Simone, est un des ses premiers vins, Simone tient à me le faire goûter pour illustrer son parcours et ses débuts. Ce qui frappe de ce Cannonau di Sardegna doc Riserva 2017 Ghirada Biseni, c’est son opulence par rapport aux autres. Plus de fruits, plus de rondeur, sous lesquels on distingue cependant le style des deux autres. Une fraîcheur latente, un équilibre harmonieux. Un profil qui s’explique aussi par un usage plus important du bois de chêne, c’est une Riserva, par les températures plus chaudes de l’année 2017, accentuées par la position moins élevée du vignoble.

Un vignoble qui n’existe plus aujourd’hui les nouveaux propriétaires ayant décidé d’explanter la vigne de leur terrain. -oui, ça arrive encore- C’est pourquoi on ne retrouve plus la Ghirada Biseni parmi les vins de Simone.

Cette rencontre vous l’aurez compris vaut largement une demi-traversée de la Sardaigne.

Et sachant que Simone, qui loue les terrains qu’il exploite, ne peut pas appliquer toutes les mesures comme il le ferait sur ses propres vignes,

Un potentiel encore en devenir donc !

Je remercie vivement Simone pour le temps qu’il a accepté de passer avec moi, pour son accueil super sympathique et sincère. Et lors de notre conversation, en lui racontant le projet de Vinoterso, il me suggère de parler avec son papa, Francesco Sedilesu pour mieux comprendre le phénomène de Mamoiada, et devinez ce que j’ai fait, j’ai tout de suite pris rendez-vous avec lui !

Retour à Mamoiada, c’est au programme !

Enfin, je vous laisse avec le son de Mamoiada, celui que j’ai enregistré avec émotion dans les vignobles de la Ghirada Fittiloghe, le 22 août 2022 dernier.

Excellente fin de semaine à tous, je vous retrouve la semaine prochaine !