Ep.19 | Vernaccia di Oristano Sardegna Coast to Coast 4

Vernaccia di Oristano.

En avez-vous déjà entendu parler ?

 

Bienvenue à l’écoute de Vinoterso. 

L’automne est arrivé sans doute possible, les températures commencent finalement à fléchir. Pour vous aussi ? 

C’est la saison des vendanges, et avant de reprendre le cours de notre série Sardegna Coast to coast, un bref point sur les promesses de ces vendanges 2022 s’impose. 

Printemps et été 2022 ont été marqués par des températures très élevées et par une sécheresse historique, en Italie les photos du Po à sec en sont devenu le symbole… Les vendanges ont d’ailleurs été anticipées aux premières semaines d’août en Franciacorta. Les températures élevées de jour comme de nuit à Erbusco, en Lombardie ont freiné de beaucoup les excursions thermiques nécessaires à la conservation de l’acidité cruciale pour les cépages Chardonnay, pinot noir et pinot blanc destinés à l’élaboration du spumante Franciacorta. 

A Barolo, les vendanges sont imminentes, avec plusieurs jours, semaines d’avance sur le calendrier, le nebbiolo destiné à l’élaboration du Barolo n’a plus que quelques jours devant lui pour affiner le potentiel déjà accumulé dans le fruit. Si la quantité s’annonce d’ores et déjà réduite par rapport aux autres années, comme cela s’est déjà vérifié pour le Dolcetto, il est encore trop tôt pour s’exprimer sur ce que l’on retrouvera dans le verre, même si les paramètres semblent pour l’instant prometteurs.

2022 fût une année difficile et complexe. 

 

Mais revenons en Sardaigne. Avez-vous eu le temps et l’envie de déboucher un Carignano? Je l’ai fait il y a quelques jours pour profiter d’une des dernières soirées d’été. Le Terre Brune, Carignano del sulcis superiore 2018 de Santadi, ouvert un peu jeune me direz-vous, mais j’avoue que je n’ai pas résisté. Une immersion dans le maquis, un retour en vacances pour moi immédiat. 

 

C’est parti pour une autre étape de mon séjour, programmée à Oristano. Et je vous l’annonce dès le début, aujourd’hui au programme un changement de registre important, nous passons d’un rouge important à un vin oxydatif. Même si en y réfléchissant bien, l’écart n’est pas si insensé. Lors d’une dégustation disons de vins sardes ou lors d’un repas, il y a de forte probabilité qu’après le dernier des rouges important comme peut l’être le Carignano del Sulcis doc, un vin oxydé puisse trouver logiquement sa place avec un plateau de fromage ou un dessert. Et après une juste pause. Bon, rien ne vous empêche de le servir tout au long du repas, je vous donne quelques pistes en fin d’épisode…

 

Où sommes-nous ?

Oristano se trouve sur la côte occidentale de la Sardaigne, à mi-chemin plus ou moins entre le nord et le sud. A 180km au sud ouest d’olbia, à peu près 2 heures de route, et 100km au nord-ouest de Cagliari, une heure de route environ.

Oristano, c’est le lieu unique de production d’un vin finalement peu ou mal connu de la tradition sarde, le Vernaccia di Oristano doc qui est, en passant, le premier vin classé DOC de Sardaigne en 1971 élaboré à partir de raisin de cépage du même nom, Vernaccia di Oristano. Une information qui à mon avis vaut la peine d’être partagée parce que je la trouve fascinante, le vernaccia di oristano est une vigne sauvage endémique exclusive à l’île: des pépins de Vernaccia de la période nuragique, datant de quelque 3 000 ans, avant donc l’arrivée des romains et des phéniciens ont été retrouvés sur le site nuragique de Sa Osa.

 

Ce n’est bien évidemment pas l’unique vin de la zone, il y en a d’autre comme le Valle del Tirso IGT  et il y a d’autres typologies de ce vin doc, mais celui dont j’avais très envie de vous parler fait partie de la très petite famille des vins oxydatifs ou vin de voile. Et qu’il est à mon avis, au-delà de sa nature qui en fait un vin extra-ordinaire, très représentatif de son lieu de provenance. 

 

Si vous écoutez vinoterso depuis un moment, vous aurez remarqué que je commence toujours par planter le décor avant de parler du vin qui en provient. Aujourd’hui, non et vous allez vite comprendre pourquoi

Commençons par le vin, et surtout par la typologie oxydative. 

Si vous n’avez jamais bu de vin oxydatif, ce sont de véritables bombes de parfums, d’odeurs, de sensations gustatives, dotées d’une puissance de persistance pazzesca. Je parle de vins capables de couvrir une très grande portion du spectre olfactif et aromatique dans un seul verre.  

Ce sont des vins que l’on ne boit pas tous les jours et que l’on ne retrouve pas forcément en proposition d’accord met-vin parce qu’ils ne sont pas si communs, -il existe en effet peu de régions en mesure de produire de tels vins-, mais aussi parce qu’ils sont considérés à tort à mon avis comme peu versatiles. 

Mais plongeons littéralement dans le vin en devenir pour mieux comprendre l’équation biologie, cépage, chimie, et savoir-faire, à la base du terroir sarde d’Oristano.

Ne m’en veuillez pas, j’ouvre un paragraphe un peu technique, ce qui pourra certainement sembler superflue pour certain. Mais restez avec moi, je vais essayer d’être la plus claire possible.

 

Dans l’élaboration d’un vin en général, après le processus de fermentation alcoolique, le vin est mis au repos que ce soit en acier, en tonneau ou en barrique pour un voyage en solitaire, surveillé par l’œnologue bien sûr ou par le vigneron, dans des conditions  choisies ou imposées par le cahier des charges si c’est un vin d’appellation. Pour la plupart des vins, il est déjà, même si encore en devenir, le vin qu’il sera. 

 

Pour les vins oxydatifs, c’est différent. À la fin de la fermentation alcoolique, le vin doit encore effectuer une ultime étape de transformation pour devenir oxydatif. 

C’est un passage qui ne peut se produire que dans certaines conditions que l’on ne trouve réunies que très rarement et ça tombe bien c’est le cas à Oristano en Sardaigne.

Les baies sont récoltées à maturation et non tardivement comme c’est le cas pour les vins passito. Elles sont ensuite pressées. Et commence la fermentation alcoolique : les levures Saccharomyces cerevisiae responsables de la fermentation alcoolique si danno alla pazza gioia, transformant le sucre contenu dans le moût en alcool.

Le vin qui doit avoir un degré d’alcool compris entre 14,5 et 16 degrés est ensuite mis au repos dans des fûts de châtaigner ou de chêne remplis aux trois quarts seulement. 

Toute petite parenthèse. Essayez d’imaginer géométriquement parlant, un volume cylindrique allongé, rempli aux ¾ de liquide, on se rend compte qu’entre la surface du liquide et la voute du cylindre, se crée un espace qui n’est pas vide, puisqu’il est rempli d ‘air.  

 

Certaines de ces levures de la fermentation et qui sont encore présentes dans le vin, changent de métabolisme et remontent à la surface du vin pour y former un voile, la Flor. Ce voile protège le vin de l’oxydation rappelez-vous, à l’intérieur du fût rempli au ¾, le vin est exposé à l’air, donc à l’oxygène. Et il favorise aussi une évaporation lente du liquide qui concentre le vin et ses arômes et augmente sa teneur en alcool. 

Le voile après quelques mois se détériore et les lies, les levures, continuent leur échange avec le vin, enrichissant encore son bagage aromatique. 

 

Le microclima de la Valle del Tirso où se trouvent les vignobles d’Oristano n’est pas étranger au phénomène, bien au contraire. 

Et tout est fait au chai pour favoriser l’évaporation et la concentration.

Pas de contrôle de température, les barriques sont exposées à des températures pouvant aller de 4 °C en hiver à plus de 40 °C en été.

La circulation constante de l’air marin qui favorise l’évaporation de l’eau contenue dans le vin est favorisée par de grandes fenêtres orientées selon la direction des vents dominants arrivant de l’ouest, le Maestrale, il Ponente et il Libeccio.

 

Je ne vous ai pas perdu en route ? 

 

Le vin avec le temps évolue bien entendu, il passe d’une couleur jaune dorée à une couleur ambrée plus prononcée. Il développe des notes aromatiques de plus en plus intenses

 

Dans le verre, entre les versions les plus jeunes et les plus âgées, la palette olfactive ne connait plus de limite :

 

toutes sortes de miel, de châtaigner, d’acacia, millefleur, de cire d’abeille, de fruits secs comme l’amande, la noisette, la noix, de fruit aussi d’agrume, de fleur d’oranger, de marmelade, de crème de citron, de fruits aux sirop, pêche abricot. Des arômes balsamiques aussi, menthe, eucalyptus, d’épices de poivre, de safran… Sans oublier les senteurs iodées, d’algue, de parc à huitre, de saumure, c’est vraiment un vin de mer.

En bouche, dans les grandes lignes, complexité et douceur, chaleur aussi puisque l’alcool tourne autour des 15 degrés, mais aussi salinité, et surtout longueur… 

 

Pour l’accompagnement, sa nature le place naturellement en fin de repas avec les desserts, même si pour moi dans ce registre, il se suffit à lui-même.

Toujours en fin de repas ou en apéritif, il devient très intéressant avec les fromages affinés, à croute fleurie ou encore persillée.

Et à mon avis, là où on peut s’amuser, c’est avec les plats d’inspiration sud asiatique, avec la cuisine thai ou de l’ouest de l’inde qui ont des saveurs naturellement portées vers le contraste doux/épicée comme un curry de crevette.

La température de service entre 12 et 15 degrés, pour accentuer ou diminuer la perception du degré d’alcool qui peut être important. 

Les points de vente, vous pouvez le trouver en ligne ou dans les boutiques italiennes, les prix varient bien sur énormément en fonction de l’âge, mais pour les versions les plus jeunes, je l’ai trouvé autour de 34 francs pour la Suisse, à partir de 17 euros pour la France et la Belgique.

 

Bon, un épisode un peu riche,- trop peut-être – d’un point de vue technique, mais selon moi nécessaire pour souligner le caractère profondément territorial de ce vin.

Et dépasser ce qui pourrait être perçu comme un simple exercice de style.

 

Bon, j’y reviendrai ! En tout cas merci à l’éco musée del vernaccia di Oristano, dont le matériel didactique est vraiment à porté de tous. D’ailleurs à défaut de pouvoir aller directement leur rendre visite, leur site est vraiment bien pensé si vous voulez approfondir la typologie oxydative, même si je ne me rappelle pas si il est disponible en français… à vérifier…

 

Merci merci d’avoir passé ce moment avec moi !

 

Semaine prochaine Cagliari !