Ep.24 | La Sardaigne des grands assemblages Sardegna Coast to Coast 9

24ème épisode, c’est aussi le 9ème et dernier volet de notre série Sardegna Coast to Coast. E chi lo sa, magari un dixième volet viendra conclure cette série qui je dois dire mérite d’être approfondie.

Dans l’épisode précédent je vous avais donné un bref aperçu des sentiers les moins battus.

Lorsque l’on vient en Sardaigne pour y passer quelques jours ou quelques semaines de vacances, il n’est pas forcément spontané ou évident de choisir d’autres cépages ou assemblages que les Vermentino et les Cannonau. Où que l’on soit en Sardaigne, ces deux cépages offrent d’excellents résultats, ils sont tellement emblématiques de la Sardaigne, et la multitude de méthode de vinification offre des variations quasi infinies. On peut facilement passer deux semaines en Sardaigne, et choisir de boire un vermentino tous les jours sans pour autant avoir un verre répétitif. Les différences entre le sud et le nord, le choix d’une vinification en acier, repos en bois, sur lies, méthode effervescente… immersion dans l’eau de mer des grappes vendangées… oui oui, vous avez bien entendu… 

Et comme vous n’avez sans doute pas eu le temps ou l’envie de boire autre chose pendant votre séjour, aujourd’hui, pour clore avec vous ce périple sarde, je vous invite à choisir avant de reprendre il traghetto pour le continent quelques bouteilles à déguster ensuite chez vous.

Oui je vous vois venir, tout le monde n’est pas équipé pour transporter du vin et les chaleurs estivales, parce que oui, on a plutôt tendance à partir en Sardaigne en été, et la chaleur du traghetto ne sont bien évidemment pas compatibles.

Je l’ai fait. Si vous n’avez pas une glacière spécifique, un carton d’emballage épais, quelques pains de glace en veillant à ce que les pains ne soient pas en contact direct avec les bouteilles, vous permettra d’atteindre votre destination en limitant les risques de dégâts. Si vous décidez de vous faire livrer, attendez les températures plus clémentes des mois automnales ou hivernaux. Les colis qui partent de la Sardaigne empruntent forcément la voie maritime et vos bouteilles pourraient pâtir d’une attente prolongée sur le quai, ou être exposées à des températures tout aussi massacrantes en calle. Une dernière recommandation, si vous transportez votre vin, conservez à portée de main les factures d’achat. Et sachez que vous pouvez transporter jusqu’à 90l de vin par personne, si vous voyagez en voiture de l’Italie vers la France, ou vers la Belgique. Jusqu’à 5 litres vers la Suisse, rappelez-vous que la déclaration des biens est obligatoire et que la taxe est de 2 francs par litre. 

Si vous voyagez en avion, Jusqu’à 1litre et demi soit 53 onces de liquide pour le Canada. En Europe, jusqu’à 5 litres de vin en soute. 

Cayenna Submariner de la Tenuta Asinara, si j’ai titillé votre curiosité…

 

Mais revenons aux assemblages. 

Il y a bien sûr les blend de cépages sardes, nous l’avions vu la semaine dernière avec un des très grands vins de la Sardaigne, un assemblage de Bovale et Monica.

J’aurais pu vous parler aussi du Luzzana, isola dei Nuraghi Cannonau et Cagnulari. De l’azienda agricola Cherchi, que je n’ai pas encore visitée. Elle se trouve à quelques km au sud-ouest de Sassari et n’était malheureusement pas sur mon itinéraire. Je l’ai déjà dit de nombreuses fois, mais j’y retourne, c’est promis. 

Aujourd’hui je serai encore plus spécifique, je voudrais vous parler des assemblages avec des cépages dits internationaux.

Une toute petite anecdote avant de commencer pour vous illustrer le contexte des cépages internationaux en Italie. Il y a quelques jours, j’ai assisté à la dégustation organisée par mon ami Niccolà à Rome de la Cantina Venosa de la Basilicate. Una cantina sociale que je ne connaissais pas et qui présentait ses vins les plus importants Aglianico del vulture Superiore DOCG, ses vins IGT à base d’Aglianico.

Et un dernier vin, Il Matematico, c’est son nom, d’Aglianico et de Merlot. Alors la question est légitime ? Pourquoi du Merlot ? Niccola nous l’a expliqué très simplement, dans les années 80 qui achetait l’Aglianico de la Cantina Venosa -les restaurateurs, les traiteurs, les cavistes- , demandait toujours aussi du merlot pour répondre à la demande croissante des vins de ce cépage de la part des consommateurs. 

Donc quelques hectares de vignobles furent dédiés à ce cépage international. Une fois la mode passée, le vignoble est resté. Et il fait très justement parti aujourd’hui d’un héritage curieux, mais bien présent et tout à fait mis en valeur dans ce Matematico.

 

Aujourd’hui, parler de variétés internationales en Italie est un sujet assez houleux… surtout depuis que la mise en valeur des variétés autochtones est devenue le cheval de bataille, à juste titre, de la production viticole italienne. 

Les variétés comme le merlot, le syrah, le cabernet sauvignon, le chardonnay, le pinot noir, ont été introduites dans le but d’améliorer la production avec aussi tout une série de techniques de production, et de pouvoir surtout rivaliser sur la scène internationale avec les vins issus de ces cépages dits internationaux. Avec d’ailleurs les résultats que l’on connait, à Bolgheri, en Franciacorta, et on va le voir ensemble en Sardaigne.

Ce n’est pas un mystère, ces variétés sont de superbes caméléons qui obtiennent de bons résultats en fonction du sol où elles se trouvent. 

Nous sommes en ce moment dans une phase de timide transition, et je ne vous cache pas que ma première réaction à la dégustation de Venosa a été, merlot ??? mais pourquoi ??? Même si en regardant la zone, en écoutant l’histoire, j’ai bien évidemment compris. 

 

On retrouve le même débat en Sardaigne, rappelez-vous l’appréhension de Francesco Sedilesu de voir dénaturer l’identité des vins sardes face à l’engouement bien réel qu’il y a eu en Sardaigne de vouloir faire des vins pour le marché international. 

La vérité est sans doute dans le milieu. Comme pour beaucoup de chose.

 

Je me rappelle la première fois que j’ai dégusté un cabernet sauvignon sarde. Le Marchese di Villamarina, Alghero Cabernet sauvignon doc de Sella e Mosca. Bon ok ce n’est pas un assemblage, c’est un cabernet sauvignon, mais l’exemple est parlant et reflète bien l’accent sarde que prennent les internationaux une fois débarqué sur l’île.

J’étais en première année de préparation du bibenda executive wine master pour une leçon sur les assemblages de type bordelais en Italie.

Le vin est servi anonymement, 3 minutes pour la dégustation en solo. Je plonge dans le verre

et là, mon esprit s’envole. Macchia mediterranea, fruits rouges, épices, armoniosissimo ed ampio. Bien entendu, mais c’est la trame iodée de ce vin, que j’ai souvent citée d’ailleurs pour les vins sardes, qui m’a fait voyagée. En trois secondes, j’étais au-dessus des vignobles avec la mer en contrebas. J’étais dans la maison de mon grand-père en face des parcs à huitres. Bref j’étais là où seul un très grand vin est capable de vous emmener, quand le support se dissout pour laisser place à l’évasion. 

Et bien sûr il grande Giuliano Lemme m’interroge, je suis restée sans voix, mais c’est une autre histoire… assez drôle quand j’y repense.

 

Le Marchese di Villamarina, Alghero Cabernet sauvignon doc de Sella e Mosca est un 100% Cabernet sauvignon, les vignobles sont face à la mer à Alghero, sur la côte nord-ouest de la Sardaigne, sur un terrain sablonneux riche en argile et en fer.

Vinifié en acier, il repose en fûts de chêne de premier et de second passage pendant plus de 2 ans. 

Il est tout simplement fascinant à mon avis dans le verre, international certes et pourtant tellement sarde. Il est d’une puissance élégante qui se mérite tout de même après un peu d’attente. Les miens reposent encore depuis mon coup de foudre, et cela fait plus de 4 ans. Et son potentiel de garde atteint sans problème les 10 ans. 

Pour vous je l’ai trouvé en ligne, mais je ne doute pas que vous le trouviez chez votre caviste, au prix de 35 euros environ pour la France et la Belgique, un peu plus de 36 francs pour la suisse. On le trouve en ligne.

Pour le Canada, j’ai trouvé l’autre Cabernet Sauvignon de Sella & Mosca, Alghero doc Rosso

Tanca Farrà, un blend de cabernet sauvignon et cépages rouges locaux, tout aussi intéressant. Le prix est de 35 dollars en ligne.

 

Un autre cabernet sauvignon, mais en blend avec un cépage italien mais pas tout à fait sarde puisqu’il s’agit de Sangiovese. 

Deux cépages élevés dans le centre de la Gallura à Siddurà, sur le sol typique de la Gallura, rappelé vous, un sol sablonneux issu du disfacimento granitico et de galets. La cave du même nom, est célèbre en Sardaigne et en Italie et le vin objet de notre attention aujourd’hui est le Tiros.  

 

 

Les meilleurs raisins sont récoltés à la main, égrappés et laissés à macérer pendant quelques semaines dans des cuves en acier, où le vin accomplit toute la fermentation alcoolique. A la fin, il est soutiré dans de petits fûts où il termine la fermentation malolactique et où il s’affine jusqu’à l’assemblage.

Dans le verre, on assiste à un étrange mélange d’une personnalité difficile à cerner quand on n’en connait pas la provenance. Tout à fait sarde lui aussi, maquis, herbes aromatiques, la mûre et le fruit du Sangiovese, les épices du cabernet. Des tannins doux et bien gérés et un vin intense d’une belle matière de velours.

Oubliez le quelques années lui aussi, je l’ai trouvé en ligne à un peu plus de 40 euros pour la France et la Belgique pour la 2016.

35 francs pour la suisse pour la même année, profitez-en. 

Colli del Limbara IGT ‘Tìros’ 2016 de Siddùra 44 dollars pour le Canada, toujours en ligne…

 

 

Passons au sud de la Sardaigne dans le Sulcis. 

Une autre création de Giacomo Tachis, rappelez-vous l’œnologue à l’origine des Terre Brune de Santadi. 

 

Le sol argileux, calcaire et partiellement sablonneux de la région du bas Sulcis crée les conditions parfaites pour la croissance des vignes.

Le vin que je vous propose est un assemblage de Carignano, Cabernet Sauvignon, Cabernet Franc, Merlot et Syrah avec maturation en barriques pendant 12 à 15 mois. 60% pour le Carignano et 10% pour les autres. 

Dans le verre, d’un beau rubis intense, la matière est dense et à l’olfactive, il est lisse comme peut l’être un très bon bordeaux. Puis les odeurs se réveillent et il commence à parler. On se retrouve doucement en Sardaigne, avec le maquis et cette trame iodée qui n’est plus celle des parcs à huitres mais plutôt des capres de Salina. On est dans un registre chaleureux, de confitures de fruits rouges, des tons chauds du cacao, du café fraichement torréfié, du tabac, du poivre noir un brin fumé, tirant sur le balsamique avec le réglisse. 

En bouche toujours cette première impression très propre, très lisse, puis il s’installe élégamment, progressivement et s’étire longuement après la déglutition. 

La cave Agricola Punica est une joint-venture entre le groupe Tenuta San Guido Sassicaia, la Cantina di Santadi et Giacomo Tachis. 

Le vin est Montessu, un Isola dei Nuraghi Rosso IGT.

J’ai trouvé en ligne la 2019, entre 19 et 20 euros pour la France et la Belgique, à un peu moins de 20 francs pour la Suisse, et 19 dollars pour le Canada.

Franchement, pour un vin aussi intéressant le prix est à mon avis un cadeau. J’ai presque envie de créer une nouvelle rubrique Bons prix très bons vins juste pour lui. 

 

Je vous quitte sur les douces notes de ce Montessu et un beau point final je dois dire pour cette série Sardegna coast to Coast.

J’espère vous avoir inspirés pour votre prochaine dégustation, prochain voyage, prochain assemblage peut-être ?

J’y reviendrai certainement dans quelques semaines pour faire le point sur ce voyage intense pour vous comme pour moi, 9 semaines d’immersion sarde, ce n’est pas rien. 

En tout cas si la série vous a plu, si vous avez apprécié la sélection, les échanges, les dégustations, n’hésitez pas à me le faire savoir. Plusieurs moyens de me communiquer votre appréciations, instagram, facebook, le site de vinoterso où vous pouvez me laisser un message.

Si vous êtes caviste en Suisse, en France, en Belgique, au Québec et que vous avez l’envie de communiquer au monde entier et en français votre passion pour les vins italiens, de faire savoir que vous avez plein de bonnes bouteilles disponibles prêtes à être débouchées dans votre cave, contactez-moi et je serai vraiment super ravie d’en discuter ici même à Vinoterso, comme je l’ai d’ailleurs déjà fait avec La cave des Poètes à Genève en Suisse. Un échange très bientôt partagé sur Vinoterso le podcast.

Excellente semaine à vous, excellente dégustation si vous avez quelques belles bouteilles à venir cette semaine, je vous retrouve la semaine prochaine.