Federico Martinotti

En Italie, on dit Martinotti!

En explorant le monde luxuriant des vins mousseux en Italie, vous aurez sans doute remarqué que l’expression metodo Martinotti -méthode Matinotti- revient fréquemment.

Il s’agit du nom de la méthode de prise de mousse en cuve close et qui est celle principalement utilisée dans les appellations Prosecco doc et Prosecco Superiore docg, Asti Spumante docg, Brachetto d’Acqui docg…

Prise de mousse en cuve close ? Oui, c’est le même principe de la méthode plus connue sous le nom de méthode Charmat, du nom de l’agronome ingénieur français Jean-Eugène Charmat.

En Italie, on préfère dire metodo Martinotti ou metodo italiano ou encore mieux metodo italiano Martinotti, et je vous explique pourquoi. 

Ne vous inquiétez pas cependant, aucun risque d’incompréhension lors de votre prochain séjour en Italie. Si vous demandez ‘Un buon metodo charmat’, le caviste ou le sommelier saura vous indiquer une bulle adaptée à votre requête.

Federico Martinotti
L’illustre chercheur italien Federico Martinotti, papa de la méthode du même nom

Du nom de l’inventeur Federico Martinotti

Il metodo Martinoti porte le nom de son inventeur Federico Martinotti, un chercheur renommé en œnologie et en viticulture de la fin du 19ème siècle.

Lui sont attribuées de nombreuses techniques ayant amélioré le résultat au chai -clarification, filtrage, pasteurisation…- et au vignoble.

Son travail eut aussi un impact important dans la gestion et le traitement des maladies de la vigne, l’oïdium, le mildiou et surtout le phylloxéra. Ses recherches sur les cépages américains et les techniques de greffes anticipèrent d’ailleurs l’arrivée de l’insecte en Italie, et Martinotti étudia dès 1880 les greffes américaines les plus compatibles avec les cépages italiens.

Cet homme de science, diplômé en chimie et en pharmacie à l’université de Turin, fut directeur de la Stazione Enologica Sperimentale d’Asti, un des premiers centres d’observation et de recherche œnologique. Il fut également un important vulgarisateur et journaliste dans le domaine de la viticulture et de l’œnologie.

Federico Martinotti
Federico Martinotti

Bref rappel : le phylloxéra est pour la première fois observé à Londres en 1863. Il agira imperturbé pendant plusieurs décennies et à l’aube du 20ème siècle il aura détruit plus d’un million d’hectares de vignobles en France. En Italie, le phylloxéra arrive un peu plus tard et il s’attaque pour la première fois à un vignoble italien en 1879, au nord de Milan. Certaines zones viticoles italiennes furent épargnées, comme la zone de l’Etna et les vignobles les plus élevés des Alpes.

Mais venons-en à la fameuse méthode. 

Fin du 19ème siècle. Martinotti est convaincu de la possibilité de réaliser des vins mousseux en cuve.

1895 Brevet de la méthode

Ses recherches aboutissent en 1895 avec le dépôt de brevet d’une méthode mise au point à l’Institut expérimental d’œnologie d’Asti : la méthode de vinification innovante pour la production de vin mousseux de qualité prévoit une seconde fermentation dans un grand récipient étanche à la pression. La prise de mousse a lieu dans une cuve close, un autoclave en fer, avant la mise bouteille.

La méthode trouve tout de suite une application à Asti avec l’Asti Spumante, bien sûr, mais aussi à Conegliano où Antonio Carpenè Malvolti, fondateur de la maison historique de Conegliano, a suivi avec attention les développements de Martinotti. Sur la base des recherches de ce dernier, Carpenè perfectionne le système de vinification des vins mousseux en autoclave déjà mis au point par l’école de Conegliano.

Martinotti

Le système mis au point par Martinotti est breveté en 1895 en Italie, en France et en Suisse. Constitué de trois autoclaves en fer -un premier autoclave pour la refermentation de la base du vin mousseux, un deuxième pour la stabilisation par clarification et filtration, et un troisième pour l’ajout de la liqueur d’expédition muni d’une hélice pour maintenir les levures en suspension- le système est trop compliqué et trop onéreux pour être effectivement mis en application. Malgré les améliorations apportées, -le bois initialement utilisé pour le revêtement des autoclaves est remplacé par un métal émaillé, le système de réfrigération est amélioré- le système de Martinotti peine à s’imposer. Son défaut principal défaut ? Ne pas avoir été pensé pour être assemblé de façon industrielle.

Dessin original de Martinotti de 1895 joint au brevet
Le dessin original accompagnant le brevet de 1895, de la main de Martinotti

Vs Charmat

Le système développé en France par Jean-Eugène Charmat, ingénieur et agronome à l’université de Montpelliers 12 ans plus tard prévoit le même principe de refermentation dans de grands récipients fermés. Charmat y apporte des améliorations en ajoutant notamment une hélice favorisant le remontage des levures, un séjour en cuve plus long après la prise de mousse et une meilleure stabilité.

Il dépose lui aussi le fruit de ses recherches, brevet qui, au contraire de l’italien, fut enregistré sur l’équipement et non sur la méthode. Le brevet sera aussi déposé en Angleterre favorisant ainsi la diffusion de ses recherches en langue anglaise et donc du nom Méthode Charmat.

En Italie, le nom Martinotti demeure, même s’il cohabite avec le terme plus internationale Charmat.

Le principe de prise de mousse en cuve-close

Dans la cuve close, le vin de base, la levure et le sucre sont portés à une température de fermentation de 18 degrés.

La fermentation commence : les levures transforment le sucre en alcool, en émettant du dioxyde de carbone, ce sont les bulles et la pression que l’on retrouve dans la bouteille.

La teneur en alcool du vin augmente.

La fermentation est arrêtée par refroidissement, les levures ralentissent leur activité et se déposent sur le fond de la cuve. Suit alors une période de repos sur lies qui varient de 1 à 6 mois selon le style du vin recherché. Elles sont par la suite séparées du vin par filtration.

Le vin mousseux obtenu séjourne dans la cuve pendant une durée d’un mois environ, puis le vin est prêt à être mis en bouteille.

Cette méthode est particulièrement indiquée pour les raisins aromatiques -moscato, malvasia, brachetto, gewurztraminer- et semi-aromatique comme le glera dont elle exalte les arômes primaires et secondaires. 

Cette méthode est offre l’avantage de pouvoir travailler de grande quantité, sur une période plus courte, elle est moins onéreuse et donc plus rentable. 

Elle permet ainsi d’abaisser considérablement les coûts sur le produit fini tout en obtenant des vins effervescents élégants, équilibrés et plus immédiats.